Continuer à „Transnistrie, le fantôme de l’Europe”

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…La Perestroïka, à la fin des années 80, a contribué à un renforcement du sentiment d’appartenance de la population moldave, avec comme point central la mise en avant de la culture et de la langue moldaves, ainsi que la possibilité du progrès social. Les premiers succès de mouvement pro-moldave, qui formera par la suite le « front populaire moldave », furent une nouvelle législation relative à la langue et un changement de pouvoir au sommet du parti communiste moldave. Après son succès aux élections soviétiques de mars 1990, le front populaire renforce son ancrage en Moldavie et, alors que le lien avec l’économie de marché a été établi, avec les réformes intervient une « moldavisation » des institutions. Le programme du front populaire propose également l’idée de l’unification avec la Roumanie. Mais Les villes transnistriennes qui comprennent un grand nombre de bourgeois russes et ukrainiens sont réactionnaires à ces politiques réformatrices. En juin 1990, le Parlement moldave adopta l’utilisation du moldave comme seule langue officielle de la Moldavie, et les russo-ukrainiens exprimèrent leur mécontentement (la Transnistrie compte entre 35 et 40% de Moldaves-Roumains, environ 28% d’Ukrainiens et 24% de Russes). La résistance contre les lois linguistiques s’est organisée à partir de ces villes.

Après que la Moldavie eu déclaré son indépendance, la République Soviétique Socialiste Moldave de Transnistrie fût fondée le 2 septembre 1990, avec comme capitale Tiraspol. Le 27 août 1991, après le putsch de Moscou, la Moldavie et la Transnistrie ont proclamé leur indépendance, chacune de leur côté. Les séparatistes du Dniestr se consacrent énergiquement au renforcement de leur pouvoir dans les territoires qu’ils souhaitent investir. Ils forment leurs propres milices, menaçant les habitants exprimant leur opposition. À l’occasion d’un référendum tenu en décembre 1991, la population de Transnistrie se prononça pour l’indépendance pure et simple de son territoire. Pendant que les Moldaves déboulonnaient les icônes soviétiques, les Transnistriens continuaient d’astiquer leurs statues de Lénine et d’afficher les slogans à la gloire du monde ouvrier.

Le 1er décembre 1991, le chef d’entreprise russe Igor Smirnov est élu président de la République de Transnistrie. Dans les villes de Bender et Dubossary, qui sont encore sous contrôle moldave, on en arrive à une confrontation militaire. Les combats atteignent leur apogée en juin 1992 lorsque la ville de Bender, située sur la rive droite du Dniestr, est prise par des combattants transnistriens soutenus par des Cosaques. Des centaines de combattants et de civils perdent la vie. Ce ne fût que grâce à l’engagement massif de la 14ème armée commandée par le général russe de Sibérie Alexander Lebed que les combats ont pu être menés à leur terme et l’armée de la République Moldave mise en échec. Un armistice est signé le 21 juillet, ainsi que l’établissement d’une zone de sécurité le long du Dniestr. La ville de Bender est placée sous un statut spécial : en avril 1993, une mission de l’OSCE commence à travailler à une résolution durable du conflit dans la République Moldave.

Mais à l’heure actuelle, la Russie et l’Ukraine n’ont fait que peu de progrès dans le processus de résolution du conflit. Les propositions pour une réglementation de l’autonomie de la Transnistrie ont été rejetées par les dirigeants de la République Moldave Transnistrienne, qui préfèreraient un Etat transnistrien souverain en relation fédérative avec la République Moldave. En 2004, la Moldavie et la Transnistrie se disaient prêtes à envisager un éventuel pays fédéral avec deux entités sous le nom d’ « État fédéral de Moldavie et du Dniestr ».

Lorsqu’on observe le déroulement du processus des relations entre Transnistrie et Moldavie, on constate que la Russie ne semble pas avoir pour objectif de résoudre le conflit dans les plus brefs délais. Le maintien d’un potentiel militaire dans cette région permet de conserver une influence significative dans la région, et la position de la Transnistrie, considérée comme une enclave slave sur le Dniestr, est vu comme un élément important de politique intérieure pour les politiciens russes. Le conflit permet en outre à la Russie de se poser en partenaire de dialogue incontournable dans cette région. Le risque de voir le conflit s’étendre, entraînant l’intervention des militaires russes, est un argument qui justifie le stationnement de troupes russes dans la région.

La volonté des dirigeants transnistriens d’avoir un état souverain reconnu internationalement n’est pas partagée par les russes. Disposer d’une certaine autonomie au sein de la République Moldave, comme proposé par l’OSCE et par les dirigeants Moldaves, est un projet toujours rejeté du côté transnistrien. Ainsi, l’influence de la Russie sur les protagonistes du conflit et sur le processus d’unification est un élément clef du problème. Tant pour la Transnistrie que pour la Moldavie, la dépendance envers la Russie est d’abord de nature énergétique, de même que la situation financière de la Transnistrie, aujourd’hui catastrophique, dépend énormément de l’aide russe. Enfin, l’influence des communistes russes se fait de plus en plus forte au sein même du Parlement Moldave.

Le stationnement de soldats russes en Transnistrie a une grande importance. La zone de sécurité établie en 1992, large par endroits de seulement 14 Km, sur l’ancienne ligne de front, est contrôlée par des militaires transnistriens et moldaves, mais aussi par des troupes de maintien de la paix, qui organisent une rotation tous les 6 mois. Au delà, la 14ème armée russe est stationnée en Transnistrie. Elle se compose de 2500 hommes et de dépôts de munitions. Le soutien de cette armée à la République Moldave a été établi par le gouvernement russe, mais n’a pas été adopté par la Douma.

Le dernier accord concernant l’armée provient de la conférence de l’OSCE d’Istanbul, en 1999, où il fût décidé du retrait des troupes pour 2002. Les observateurs internationaux attendaient des mesures plus importantes. Les pressions se renforcent sur Moscou en faveur du retrait des troupes russes, appelées aussi « groupe opératif ». Les dirigeants russes invoquent l’argument de la réduction des coûts pour justifier le transfert des tâches du maintien de la paix aux armées des deux républiques, et par là même légitimer les raisons de leur présence. Car la Russie voit plusieurs avantages dans le stationnement des troupes dans cette région, notamment le fait de pouvoir accumuler une certaine force militaire dans une position stratégique en Europe. Grâce à cela, Moscou peut afficher sa domination dans les pays voisins. La Russie dispose ainsi d’un droit de veto sur les décisions politiques importantes. L’accord du gouvernement russe est en effet toujours nécessaire. De même, la Russie se pose comme stabilisateur des agitations en Europe de l’Est, comme ce fût le cas en juin 1992 lors de l’intervention de l’armée russe dans le conflit de la région du Dniestr. Pour Moscou, il importe de faire en sorte que la Russie soit la seule capable d’œuvrer pour la paix et la stabilité dans cette région.

La présence des soldats russes en Transnistrie a également une importante signification dans un autre domaine : dans le cas où les troupes devraient quitter la région, il faudrait trouver un lieu où stationner les soldats en Russie, eux, ainsi que leur familles. Ce qui pose une difficulté logistique : il faudrait reloger un grand nombre de personnels, civils et militaires. Des logements doivent être disponibles, ainsi que des écoles, et des emplois pour les épouses des militaires. La Russie devrait supporter le coût de ces changements, ce qui ne serait pas une tâche facile au vu de la situation précaire dans laquelle se trouve certaines parties de la Russie. Le conflit permet donc aux dirigeants russes de se présenter comme un important intermédiaire entre les parties en présence. À travers son implication dans le processus de résolution du conflit et sa collaboration avec une institution internationalement reconnue telle que l’OSCE, le rôle de la Russie en tant que partenaire incontournable se trouve renforcé. La Russie a donc la possibilité de s’assurer une position clé en tant que grande puissance dans la diplomatie est-européenne.

Il est clair que l’objectif principal de la politique étrangère russe est l’établissement durable d’un espace sous domination russe au sein de l’ancien territoire de l’Union Soviétique. La CEI réunit la plupart des états qui formaient l’Union Soviétique. La collaboration au sein de la CEI se partage en deux domaines : l’économique et le militaire. La République de Moldavie n’a ratifié que l’aspect économique de l’accord, et se refuse à la coopération militaire. La République Moldave est bien plus impliquée dans le programme de l’OTAN « Partenariat pour la paix », ce qui constitue une menace pour l’influence de la Russie dans son espace d’influence considéré comme “légitime” par Moscou, hérité des zones d’influence de l’anciennce Russie tsariste et de l’URSS. Pour renforcer sa domination dans cet espace, la Russie a besoin de l’implication de tous les membres de ce réseau, et le désistement de quelques Etats pourrait déclencher une réaction en chaîne. Dans le cas de la République Moldave, le danger serait qu’elle se retire tout simplement de la CEI. Pour l’instant cependant, la possibilité pour un pays aussi peu développé que la République de Moldavie de rejoindre l’alliance occidentale est une perspective actuellement non envisageable. Le retrait de la Moldavie de l’espace de domination russe serait une grande perte pour la Russie, qui sonnerait un coup supplémentaire après les remous en Ukraine et en Géorgie par exemple.

Par ailleurs, l’exigence des dirigeants transnistriens d’obtenir la reconnaissance de la République Transnistrienne en tant qu’état indépendant n’a que peu de chances de se concrétiser. La communauté internationale, l’OSCE ainsi que le gouvernement de la République de Moldavie ne considèrent pas ce choix comme une possible option de résolution du conflit. Même le président russe, au contraire de la Douma, apporte son soutien à une République Moldave intégrée. Le gouvernement russe doit seul empêcher la sécession définitive et légitimée par les urnes, pour ne pas fournir de précédent, une onde qui pourrait encourager des mouvements similaires sur son propre territoire. Les frontières séparant les Etats issus de la dissolution de l’Union Soviétique ont été fixées par contrat à la chute de l’URSS. Une modification pour un cas particulier risquerait de remettre tous les autres en question. Le maintien de frontières légitimées par la volonté des populations est une priorité pour les USA ainsi que pour l’Europe. Si la Russie prenait le risque de reconnaître seule la République Transnistrienne, elle provoquerait une vague de protestations internationales qui l’isolerait, une option que la Russie ne peut pas se permettre de choisir…

La perspective la plus réaliste de résolution du conflit serait l’obtention de l’autonomie pour la Transnistrie. L’achèvement d’une telle solution est le but de la mission de l’OSCE. La Russie, en tant que deuxième intervenant, rappelle régulièrement son intention d’atteindre cet objectif même si elle craint les conséquences de cette solution sur son système politique et sa diplomatie.

Dans une République Moldave unifiée et pacifiée, il n’y aurait plus de sens à maintenir les troupes russes ; le risque de conflit armé dans la région disparassant alors. En outre, la possibilité que le gouvernement Moldave autorise des troupes russes à stationner sur son territoire semble peu vraisemblable. L’armée russe devrait alors quitter son dernier point stratégique de l’Europe du Sud- Est.

En plus de l’impact sur le système géostratégique, il y aurait également un important effet psychologique sur la Russie, de même que pour l’étranger. Une autre scène sur laquelle la Russie aurait pu jouer un rôle important disparaît. L’influence de Moscou sur la République Moldave diminue drastiquement avec le retrait des militaires, et la tendance déjà visible de rapprochement entre la République Moldave et l’Europe se trouverait encore renforcée, ce qui aboutirait à un affaiblissement de la dominance russe dans la région. À cela s’ajoute encore le coût financier et social du retour des troupes dans leur patrie.

Il est clair que la Russie ne souhaite pas subir tel affaiblissement. Une autre solution serait alors d’œuvrer pour la persistance du conflit transnistrien. La Russie pourrait alors justifier le maintien de ses troupes en Transnistrie par d’autres arguments :

- -un retrait militaire ne pourrait s’effectuer qu’à la condition que Tiraspol et Chisinau parviennent à un accord sur le statut politique de la Transnistrie ;
- -le facteur psychologique du refus du retrait des troupes par certains officiers locaux et par la population transnistrienne n’est pas à négliger ;
- -l’accord concernant un retrait des troupes russes de la région doit être ratifié par la Douma ;
- -la présence des troupes russes est un des principaux facteurs de la stabilité régionale.

Cette argumentation laisse percevoir combien la Russie rend le retrait de ses troupes dépendant de la résolution du conflit. Tant que le conflit persiste, le contrôle sur la Moldavie est préservé. En plus, la Russie ne va pas écarter les soldats de la zone du conflit en Transnistrie, tant qu’il y a des stocks russes d’armement et de munitions.

La Russie se positionne comme co-médiateur et garant du règlement politique du problème transnistrien sur la base de la définition du statut spécial de la région, tout en respectant la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Moldavie. L’Europe est sensible à ce que, malgré l’existence de la zone de conflit, reconnue comme telle par les parties mêmes et par l’OSCE, les droits démocratiques de la population soient respectés au maximum. Dans cette optique, un accord de coopération et de partenariat, entré en vigueur le 1er juillet 1998, constitue la base des relations entre UE et Moldavie. Cet accord fournit un cadre aux relations politiques basées sur les valeurs démocratiques, dont le dialogue politique. La Moldavie est invitée à intensifier les relations politiques, économiques et culturelles avec l’Europe, de même au niveau de la sécurité, et à renforcer la coopération trans-frontalière en général, de même que le partage des responsabilités dans la prévention et la résolution des conflits. Un des objectifs principaux de ce plan sera de continuer à encourager une résolution viable du conflit transnistrien.

La coopération de la Moldavie avec l’UE se doit d’être constructive, et doit viser en priorité la résolution du conflit, en renforçant le dialogue politique avec l’UE et les autres pays voisins afin, entre autres, d’assurer un meilleur contrôle de ses frontières. L’Europe doit quant à elle poursuivre son engagement dans le soutien de l’OSCE et des médiateurs et s’assurer que la Russie respectera les engagements pris à l’occasion des accords d’Istanbul. L’UE et la Moldavie doivent également soutenir la promotion des valeurs démocratiques et du respect des droits de l’homme.

La Russie apporte d’autres aspects au conflit, notamment que cela n’a plus de sens de considérer le conflit comme un conflit ethnique. Le pouvoir et le prestige du gouvernement de la République Transnistrienne d’une part et d’autre part l’influence de la Russie en sont les principales raisons. Il est important pour tous deux que le conflit reste dans sa situation actuelle, la Transnistrie ne voulant pas renoncer à son statut, et la Russie ne voulant pas perdre son influence sur la région. Le maintien à long terme de troupes russes dans cette région figure au premier plan des intérêts russes, apportant à Moscou un important pouvoir sur ce territoire. La présence de l’armée sécurise la conservation d’une sphère d’influence russe en dehors des frontières de la confédération de Russie. On peut alors se demander dans quelle mesure il est encore utile pour la Russie de s’impliquer dans le conflit. En considérant que la Russie voit dans le conflit transnistrien un moyen de servir ses propres objectifs et utilise la situation à son avantage, il paraît peu probable que le conflit puisse se résoudre avec son aide. Mais si la Russie n’agit guère en vue de solutionner le conflit, la Moldavie a soumis au mois de juillet 2005 un projet de loi aux observateurs de l’OSCE et de la Russie accordant à la Transnistrie une autonomie territoriale, en lui accordant le statut de République.

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